
Box(e) la défense
24Ore – 05/2010
Depuis jeudi, du haut de son imposante stature, il est aux côtés d’Yvan Colonna, qui comparait, avec cinq insulaires accusés de l’avoir hébergé, devant le tribunal correctionnel de Paris. En première ligne. Presque un classique pour ce haut praticien dela réthorique nationalite.
Par Dominique MORET
Crâne rasé et barbe naissante version cuncultaghju, lunettes noires, montre métallique, jean, baskets, polo entrouvert, démarche assurée. Ce pourrait être un habitué des prétoires, grandi dans des quartiers populaires où les mauvaises fréquentations mènent invariablement derrière une cellule. Mais non. Ce n’est « que » Pascal Garbarini, avocat au barreau de Paris, marié, père de deux enfants, attablé à la terrasse d’un café d’ajaccio.
Cordes. Loin de la froideur de Vergès, de la grandiloquence tapageuse d’un Collard ou du sourire timide de Gilles Simeoni, Garbarini tient plus du boxeur que de l’homme de robe. « Je viens d’un milieu modeste, mais pas assez pour réussir dans la boxe », lâche, presque à regret, le sociétaire du PSG-Boxe, qui compte ses cinq combats à son palmarès (chez les amateurs). « Les acquittements, je ne les compte plus, contrairement à Eric Dupont-Moretti », tacle notre interlocuteur. Un combat, c’est une heure de vérité. « Entre quatre cordes, face à un adersaire, on ne triche pas. C’est un métier plus dur qu’avocat, mais les deux enseignent l’humilité. On peut être le plus grand un jour, et plus rien le lendemain ». L’âge (46 ans) et le surpoids relatif ont finalement eu raison des ambitions sportives.
Reste le ring judiciaire.
Débuts. Elevé entre Neuilly-sur-Seine et Ajaccio par sa mère et ses grands-parents, Pascal Garbarini obtient son bac au lycée Fesch, entame des études de droit à Nice, poursuit à la Sorbonne, fait un détour par Bastia et prête serment à Paris, le 9 janvier 1991. Le grand public découvrira dans les années 95 le défenseur officiel des nationalistes, tendance Canal historique. Ambiance de plomb, moral d’acier. Celui qui emploie aujord’hui cinq collaboratrices au 55 quai des Grands Augustins, près du Pont-Neuf, se souvient des débuts. Enthousiasmants, pour ne pas dire fastidieux. Le jeune commis d’office plaidait alors jusqu’à dix dossiers par jour devant la 23e chambre, celle des flagrants délits. « J’essuyais les plâtres, on se battait pour le client. Derrière chaque cas, des années de prison ». Placé sous la coupe de Charles Robaglia, « le plus grand pénaliste », Pascal mouille la robe. L’heure du premier cabinet approche. L’engagement politique est déjà scellé.
Âme. Le nationalisme naît à Paris, au contact de la diaspora insulaire. « Les cercles bien pensants et moralistes dégoisaient sur le mouvement, eux qui vivaient à 1500 km de la Corse », se lamente-t-il. Et Garbarini prête son âme à la lutte de libération nationale en 1995. « A l’époque, le Canal habituel allait se dissoudre, je me suis rapproché de l’historique ». Rencontre avec Marie-Hélène Mattei, Jean-Michel Rossi, François Santoni. L’avocat vit au rythme des assassinats, des descentes de la DNAT, des prémices du processus Matignon. Un rythme éprouvant. Une époque folle. Les prévenus sous contrôle judicaire crèchent souvent dans son duplex à Paris. ‘J’étais militant, mon rôle c’était la défense politique. Les frais étaient couverts par A Riscossa et l’associu Patriottu. »
La rupture intervient le 14 novembre 2000. Deux clients, Charles Pieri et François Santoni, étaient en conflit d’intérêts: « J’ai annoncé l’abandon de la défense ». Une page se tourne. Mais le refus de l’eau tiède demeure, fil rouge conduisant à claquer les portes des cours d’assises. Comme lors du procès de Ferrara, puis d’Yvan Colonna. « Les droits de la défense étaient bafoués, nous avons quitté l’audience », résume l’homme de loi.
Entre deux procédures, Garbarini hante les salles obscures, scrutant la nature humaine sur les écrans de cinéma. Cherchant de quoi alimenter les plaidoiries. Loin des mondanités du barreau. Ailleurs, simplement.