2017-12_Le-Parisien

Sur la piste d'un convoi fantôme

Le Parisien – 12/2017

Ariel Vergé est resté invalide après qu’il a été renversé dans un grave accident de scooter par la voiture d’une escorte d’ambassade en 2015 à Paris. Une nouvelle plainte relance l’enquête.

Chaque nuit ou presque revient le même cauchemar. Des images de tôles et de chairs, de sang et d’accident. Ariel Vergé vit avec ses démons, deux ans après sa lourde chute à scooter sur le bitume parisien, qui lui a occasionné de multiples fractures à la jambe gauche. C’était le 30 octobre 2015. Depuis, il s’est lancé dans un combat de tous les instants pour retrouver le chauffard qui l’« a rendu invalide à vie ». Et qui serait toujours hors d’atteinte de la justice…

Ariel Vergé, 63 ans, assure en effet avoir été percuté par un convoi diplomatique dont l’une des voitures s’est déportée au bas du boulevard Malesherbes, avant de prendre la fuite. « J’allais rejoindre ma femme à Saint-Germain-des-Prés, se remémore l’ex-scootériste, lorsque nous le rencontrons le 22 novembre, sur son lit d’hôpital après une énième intervention médicale. Boulevard Malesherbes, je me suis retrouvé à la hauteur d’un convoi d’ambassade, encadré par des voitures et précédé de deux motards de la police. Nous roulions assez lentement, sensiblement à la même vitesse, moi dans le sens de circulation normal, et le convoi parallèlement, de l’autre côté du boulevard, en sens inverse de la circulation.

Avant d’arriver à la Madeleine, le chauffeur du dernier véhicule, une 508, a mis un énorme coup de volant sur la droite, traversant le boulevard. La dernière chose dont je me souvienne, c’est d’avoir entraperçu le ciel. » Lorsque Ariel Vergé reprend connaissance, plusieurs minutes plus tard, il est allongé près d’un parking d’Autolib’, jambe broyée, souffrant en plus d’un « enfoncement du plateau tibial ».

L’employé d’une boutique de luxe, témoin des faits, confirme. « Ce jour-là, pour une fois, la circulation sur l’avenue était très fluide, nous assure Cédric. J’ai vu la voiture suiveuse se déporter, après un brusque coup de volant du chauffeur. Il y a bien eu choc avec le scooter. Je suis catégorique. » Mais l’enquête initiale, destinée à déterminer les responsabilités de l’accident, confiée au commissariat du VIIIe arrondissement, est émaillée d’incidents. Dès le départ, Ariel Vergé, souffrant de « stress post-traumatique marqué », se montre persuadé que l’on cherche à masquer la vérité, ce qui tend les relations avec les policiers.

Sa première plainte, déposée en mai 2016, est classée par le parquet de Paris car jugée « insuffisamment caractérisée ». Les enquêteurs de l’époque évoquent, de manière sibylline, le visionnage d’images de vidéosurveillance, introuvables aujourd’hui dans le dossier. Pour relancer les investigations, le nouvel avocat de la victime, Me Pascal Garbarini, a donc déposé une plainte avec constitution de partie civile. Et la juge d’instruction désignée semble bien décidée à remonter la piste de ce « convoi fantôme ». Elle vient d’ailleurs de lancer une commission rogatoire à la préfecture de police de Paris pour tenter de retrouver les fameuses images. Ce sera difficile, la durée de conservation restant théoriquement limitée à trente jours.

Une autre recherche consiste à retrouver la liste des policiers français escortant ce jour-là les membres de la mystérieuse ambassade. « La justice se donne enfin les moyens de faire la lumière ! se félicite Me Pascal Garbarini. Cette volonté initiale d’obstruction aux investigations mérite quelques explications. »