2019-06_La-Nouvelle-Republique

L'histoire corse de Garbarini

Avocat de figures emblématiques du FNLC, Pascal-Pierre Garbarini interroge son passé de militant nationaliste corse dans « Ma robe pour armure ».

Le nom de Pascal-Pierre Garbarini, dit « Garba » est associé à une époque: celle des années de plomb du nationalisme corse. Au milieu des années 90, il est l’avocat de plusieurs figures emblématiques du Front de libération nationale corse (FLNC). Il défendra notamment François Santoni, Jean-Michel Rossi et Yvan Colonna, condamné à la perpétuité dans l’affaire de l’assassinat du préfet Claude Erignac.

Dans Ma robe pour armure (éditions Harper Collins), écrit avec la collaboration de la journaliste Elisabeth Fleury, il retrace son parcours, de gamin ayant grandi dans les Hauts-de-Seine à « avocat militant » du nationalisme corse.

Cette biographie, à la sincérité parfois déconcertante, prend racine dans une phrase prononcée par son épouse Béatrice. « Je ne t’aime pas quand tu es en Corse. Là-bas, tu n’es plus le même. » « C’est un déclic, affirme-t-il désormais. J’étais mûr pour parler de mon passé personnel et professionnel. Ma quête consistait à répondre à la question suivante : “ Comment en étais-je arrivé là ? ” » Autrement dit, « au lieu de me coucher sur un divan, j’ai couché mon passé sur le papier », poursuit-il, espiègle.

Garbarini n’a pas toujours été son nom. Il ne l’est d’ailleurs officiellement que depuis 2017. Né Mayer d’un père alsacien fantomatique, Pascal-Pierre a puisé son identité corse auprès de son grand-père policier, Bartolinu Garbarini, dont le souvenir habite l’ouvrage.

« Plus le temps passe, plus plaider est une souffrance »

A dix ans, il rejoint les hauteurs d’Ajaccio. C’est alors que « la Corse a pris possession de [lui] ». Il se forge un accent qu’il cultivera en fac de droit, à Nice. C’est d’ailleurs dans cette ville du continent, « annexe du village », qu’il découvre les idéaux nationalistes, sans qu’ils ne trouvent immédiatement écho. Ce n’est qu’au fil des années qu’il en saisira l’essence.

La robe d’avocat, il apprend à la porter aux côtés de confrères pour lesquels son respect est palpable : l’intransigeante Sylvia Spalter, son « idole » Henri Leclerc puis Marie-Helène Mattei, avocate égérie du mouvement nationaliste. Son credo professionnel ? Combattre les injustices. Elles l’attirent « comme le miel les ours », écrit-il. « A force d’en vivre, on a envie de les combattre pour les autres, explique le pénaliste. Quand on plaide, on plaide aussi pour soi. »

Passionné de cinéma (des citations de films ponctuent chaque nouveau chapitre), « Garba » cite à l’envi Le Mépris de Godard qui attribue à André Bazin la formule suivante : « Le cinéma substitue à nos regards un monde qui s’accorde à nos désirs. » Dans ses plaidoiries, le septième art n’est jamais bien loin. « Un dossier judiciaire c’est froid mais c’est pourtant la vie d’un homme ou d’une femme. Il faut donc faire comprendre à ceux qui jugent que ce n’est pas que du papier. » Il faut mettre en scène, donner vie à un scénario de faits, éclairer sous différents angles, ajuster la focale…

Devenu avocat militant, ses plaidoiries prennent encore une autre dimension. « Ce n’est plus seulement une voix pour défendre un client, c’est une tribune pour la cause elle-même », analyse-t-il.

Cette cause, il la défend jusqu’au début des années 2000. Tandis que la mort est devenue « une compagne fidèle » (François Santoni sera notamment assassiné alors qu’il s’apprêtait à quitter un mariage qu’ils avaient fêté ensemble) et le dossier Colonna « un cimetière », Garbarini tourne la page.
Désormais à la tête d’un cabinet parisien, il s’attelle à des dossiers divers, du crime organisé aux successions complexes en passant par la défense de personnalités comme Alain Delon. « Plus le temps passe, plus plaider est une souffrance. C’est tellement de responsabilités sur vos épaules », admet-il.
Des procès en assises (concentré de « malheur humain »), comme de son attachement à la Corse, il exprime des sentiments contrastés : « J’éprouve une attirance irraisonnée et irrationnelle et un rejet tout aussi irraisonné et irrationnel. Mais, le sentiment d’amour l’emporte toujours. »