Quatre personnes sont jugées pour avoir agressé des hommes attirés grâce à une jeune femme servant d’appât.
Ils n’ont probablement jamais vu «l’Appât» : lors de sa sortie en 1995, ils étaient encore enfants. Le scénario imaginé par Olivia et Youcef, 23 et 27 ans, jugés ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris en compagnie de deux complices présumés, rappelle pourtant celui du film de Bertrand Tavernier… la fin tragique en moins.
Entre fin décembre 2015 et février 2016, le couple d’amoureux transis est accusé d’avoir violemment détroussé à leur domicile quatre hommes, ferrés entre Lyon, Paris et la Côte d’Azur via un site Internet d’escort-girls. La jolie Olivia — renommée Mia, Léa ou Angela selon les annonces — était utilisée comme appât, chargée de répérer les clients les plus riches lors d’échanges sur Internet. Une fois au domicile de ceux-ci, elle s’arrangeait pour ouvrir la porte à Youcef et à son complice du soir pour qu’ils s’emparent des biens les plus précieux.
Un butin souvent maigre : au mieux quelques milliers d’euros après extorsion des cartes bleues et leurs codes, des montres, téléphones, tablettes et même… un caméscope. Le problème, comme le notera avec lucidité Olivia lors de l’instruction, c’est que «les hommes se vantent beaucoup sur Internet». Ainsi, dans le coffre-fort de l’un d’eux, braqué avec un pistolet et saucissonné, la bande ne trouvera que 50 euros…
Sa mère l’aidait à choisir ses clients
Pas de quoi pourtant arrêter la spirale de violence d’Olivia et Youcef. Quand ils se «rencontrent» via un réseau social, en octobre 2015, elle vient de lâcher son emploi de vendeuse pour se prostituer, lui est encore détenu. A sa sortie de prison, il arrache son bracelet électronique, et les deux tourtereaux décident de fuir la région parisienne pour vivre leur amour à La Grande-Motte (Hérault). Mais, très vite, Youcef découvre la véritable activité de sa belle. Jaloux, à court d’argent, il décide donc de voler les clients plutôt que de les laisser approcher Olivia…
Deux hommes, qui contestent une partie des faits, viendront lui prêter main-forte à tour de rôle. Me Pascal Garbarini parle de l’un d’eux, qu’il défend, comme d’un «suiveur». La jeune femme, elle, dit avoir agi «par amour». «Elle assume les faits, elle a une capacité d’introspection importante, plaide Me Margot Pugliese, son avocate. Elle est tombée amoureuse… et cherchait inconsciemment aussi à se venger de ce qu’elle avait subi dans son expérience d’escort-girl.»
Sa mère, explique-t-elle, lui avait dit que si elle ne réussissait pas ses études, elle devrait «trouver un mari riche» ou se prostituer. «Pour une fois, j’avais l’impression de la rendre fière», dira-t-elle, précisant — ce que l’intéressée a reconnu — que celle-ci l’aidait même à choisir ses clients. En dépit de ses précautions, l’équipe sera interpellée en mars 2016, après avoir oublié d’effacer des traces ADN dans l’appartement d’une victime. Les enquêteurs pensent qu’un cinquième homme était alors sur le point de subir le même sort que ses prédécesseurs.